JOAN SERRA

De nouvelles façons de travailler déterminent un langage différent avec lequel on peut établir les bases pour développer une oeuvre où la matière cherche à s’exprimer en état pur.

Je ne modèle pas les pièces, je travaille pour réunir les conditions nécessaires à l’apparition des formes. Toutes les formes basiques initiales sont des polyèdres réguliers ou des ensembles de polyèdres, des faces plates aux angles droits et profilés, où sont marquées toutes les altérations formelles du processus chaotique postérieur.

Le travail de construction de la forme, dans un premier temps, peut être soit l’incorporation de matériel à la pâte céramique (granulé de verre, flocons, grains de maïs, etc.) soit le trempage de matériel dans la barbotine pour être absorbé (éponge, papier, etc.).
Dans une deuxième phase constructive se pose la question de l’enduit des surfaces du volume de base avec des barbotines ou des plaques de la même terre ou différente. Les diverses densités, selon le type et la quantité de matière mélangée et le revêtement  postérieur détermineront le comportement de la pièce lors du séchage et de la cuisson.

Finalement, les finitions superficielles ne font qu’accompagner  et, dans certains cas, renforcer la structure de la forme – même si ces finitions peuvent avoir dans certains cas un premier rôle ; il s’agit en général d’enduits vitrifiables transparents pour éclairer ou adoucir certaines zones ou bien en tant que support  des éclats métalliques.

C’est en arrivant aux limites que se produit ce qui m’intéresse.

Nous avons tout un éventail de possibilités : en partant d’une vitrification minimale où la pâte céramique ne se dilue  plus au contact de l’eau, jusqu’à en arriver à un état de semi-fusion ou fusion où la forme perd son volume tridimensionnel et cherche à s’étirer pour tenter d’occuper un maximum de surface. En ajoutant toutes les phases intermédiaires de températures, on dispose d’une très large marge d’évolution des formes de base vers de nouveaux aspects intimes du jeu entre la matière et le feu. Dilatations, contractions par la température, perte de volume par la vitrification, mouvements de forme par la fusion, déplacements de la matière solide sur des bases instables… Voilà des conditions qui rappellent l’origine et l’évolution de la terre, récréations de témoignages du pouvoir de la nature à échelle humaine.

Bien entendu, derrière tout cela certaines lois de physique et de chimie agissent de façon inaltérable et coordonnent le processus. Malgré tout, la recherche de raisons scientifiques ne constitue pas le travail du chercheur de formes ; quand il n’y a pas d’explication, c’est alors qu’apparaît la magie. Le four, comme ultime facteur déterminant du résultat, constitue la phase la moins visible : un habitacle fermé où les sens pénètrent peu et avec difficulté, une vision minimale de l’intérieur à travers un judas, une sonde qui indique la température en un seul point, le bruit de la combustion, l’odeur des gaz effervescents qui émanent de mille et une réactions sont les seuls éléments d’évaluation qui, ajoutés à une modeste expérience ne nous préparent qu’à une seule chose, la surprise. Un avant et un après sans retour, voilà l’idiosyncrasie du processus de la céramique.

Chaque pièce est ainsi unique et impossible de répliquer, à un point où elle montre physiquement la métamorphose de la pâte, selon une certaine densité, un certain volume et à un certain moment  de tension interne par l’action du feu qui, en disparaissant, laisse le témoignage de la forme “congelée”, si l’on peut dire ! Une perte définitive de la plasticité laissant la place à la consistance. Tel est, en principe, le trait commun  à toute la céramique, alors que la différence se trouve dans le fait que, dans mon cas, il devient le facteur déterminant  de l’œuvre.

Mon travail n’est pas une abstraction de la réalité,  ce sont des réalités. Les résultats que je cherche à obtenir sont des diversités de comportements de la pâte et la mise en forme de pièces qui soient le reflet d’un instant, où il soit possible d’apercevoir le processus entre ce qui précède et ce qui suit.

Les formes ne se créent pas, elles existent ; le travail consiste à les découvrir et à les faire apparaître.

Joan Serra

 

Exposition du 2 mai au 9 juin 2015
Vernissage le samedi 2 mai de 18h30 à 21h.

Vernissage précédé d’une rencontre avec Joan Serra à 17h.

Ouverture tous les jours de 11h à 19h.

L’EXPOSITION EN IMAGE