Résidences La Borne 2024/2025

Javier Carro Temboury et Arlette Legros

> Javier Carro Temboury

Pourriez-vous vous présenter ? 

Je suis un artiste plasticien espagnol, installé en France depuis 2015. Dans ma pratique sculpturale je m’intéresse à la transformation des objets trouvés, notamment en céramique, une discipline dont l’histoire technique et la signification culturelle me semblent particulièrement riches. Après avoir achevé mes études à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, je développe actuellement des projets en lien étroit avec les lieux où ils seront exposés. Mes déplacements me permettent de réaliser des pièces qui deviennent un témoignage direct de l’interaction propre à leur contexte.

Pourquoi souhaitiez-vous participer au dispositif des « Résidences La Borne » ? 

La Borne est rapidement devenue une référence pour moi dès la découverte du travail de certains de ses artistes. Les pièces finies parlent d’elles-mêmes : elles témoignent d’une écoute du potentiel plastique et expressif de la terre. Chaque atelier constitue un univers à part entière, mais tous partagent un goût pour l’expérimentation, développé avec une rigueur remarquable. La cuisson au bois, en multipliant les variables, exige un engagement constant. Participer à ce dispositif représentait donc une opportunité précieuse pour approfondir ma compréhension des interactions entre matière et feu ainsi que des processus complexes qui en découlent.

Quel est votre projet ? 

Mon projet s’articule autour d’un objet emblématique : un moule de pichet à vin récupéré dans l’ancienne manufacture de San Claudio, en Espagne. En collaboration avec la céramiste Arlette Legros, nous redonnons vie à ce moule en explorant ses potentialités sculpturales. Chaque tirage est transformé – détourné, craquelé, enfumé – tout en conservant une trace reconnaissable de sa forme originelle. Sur chacun d’eux on arrive à lire une scène de bar où trois personnages partagent un moment convivial.  L’ensemble donne naissance à des sculptures modulaires qui fonctionnent comme des vases communicants. Ces compositions deviennent des systèmes interdépendants, pouvant être interprétés comme des métaphores des flux vitaux, des connexions sociales et des dynamiques collectives.

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> Arlette Legros (ACLB)

Arlette Legros se forme à l’Académie des Beaux-Arts de Huy pendant 11 ans et lors de stages professionnels. Elle ouvre son premier atelier en 1997. La nature est sa principale source d’inspiration. Ses récentes sculptures abstraites, une série évoquant les icebergs, ont parfois la particularité de pouvoir être posées sur plusieurs faces et ainsi de changer d’orientation. La cuisson au bois révèle les oppositions de matières, entre surfaces brutes ou nappées d’un shino satiné ou mat. Un émail craquelé, rétracté et épais, devient un graphisme en relief. Dans son modelage à partir de plaques, comme dans sa façon d’émailler, Arlette accepte le hasard et favorise la spontanéité d’un geste maîtrisé.

Texte Nicole Crestou

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Romain Kloeckner, Nicole Crestou et Christophe Leger

 

> Romain Kloeckner

– Pourriez-vous vous présenter ? 

Je suis designer plasticien. J’ai appris dans mes études à penser et fabriquer des objets, des usages.
De différentes manières j’orchestre donc les matières pour leur donner des formes qui suggèrent leurs fonctions et qui invitent à l’utilisation. Je travaille pour cela le bois, le métal et la céramique.
Le bricolage a également une place de choix dans cette pratique, me permettant de m’affranchir de certaines barrières techniques et de garder mon autonomie de production. J’aime également les systèmes et l’esthétiques qui en résultent.

– Pourquoi souhaitiez-vous participer au dispositif des « Résidences La Borne » ? 

L’opportunité de travailler pendant une longue période sur un projet dont les aboutissements sont fragiles aléatoires, en embarquant avec moi d’autres personnes donc d’autres regards et savoirs techniques. Et bien sûr, je voulais gouter le plaisir de la cuisson au feu et tout ce qu’elle suggère.
J’étais aussi curieux de mieux comprendre l’écologie de La Borne, d’aller au-delà des fantasmes que l’on peut projeter en passant lors de Grands Feux ou de lecture d’articles de plus en plus fréquents et qui ne cernent généralement qu’un instant ou qu’une partie du portrait de la population bornoise.

Quel est votre projet ? 

Le projet proposé est une recherche autour du son que produit la matière céramique. Sans nécessairement de résultats finis ou attendus, l’idée est d’aller chercher les différentes manières dont résonne la terre cuite, Et d’explorer tout le champ auditif qui l’entoure. Prendre le temps de comprendre (ou non) ce qui la fait vibrer, elle et nous.

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> Nicole Crestou (ACLB)

Dans son 5ème atelier, N. Crestou réalise essentiellement des sculptures modelées à partir de plaques ou d’éléments tournés et déformés. Les grès ou la porcelaine sont cuits dans des fours au bois, au gaz ou électrique. Les créations actuelles sont des sculptures figuratives, parfois mises en scène dans des installations, des sculptures animalières ou inspirées de la végétation. Certaines pièces sont recouvertes d’émaux colorés, la plupart sont destinées au jardin. Sans recherche de ressemblance, les animaux relèvent d’une expression libre proche de l’art singulier. N. Crestou a suivi plusieurs formations auprès de J. Stedman, Y. Mohy, Mme Lerat, H. Klug, L. Delisle à l’université Paris I…

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> Christophe Léger (ACLB)

A 17 ans, l’émerveillement d’une cuisson au bois le conduit aux Arts Décoratifs à Limoges. Mais la vie avec ses mystères le fait planter des arbres, tenir un bar, ouvrier dans une tuilerie artisanale. La terre le rattrape et au CNIFOP il apprend les diverses techniques du métier.
Christophe installe son premier atelier en Puisaye ; mais participe aussi à de multiples cuissons à La Borne.
En 2020, il s’installe à proximité de cette clairière mythique.
Comme chaque passionné de cuissons longues, il aime préparer sa terre, traîner dans les carrières, glaner des argiles, en recycler, y ajouter des matières fondantes.
Faire des pots constitue le socle de sa démarche, ainsi que l’utilitaire qu’il affectionne pour son quotidien.
Mais ses contenants s’émancipent de leur fonction ; ne grossissent pas mais prennent le large.
La dilatation de formes patrimoniales sculpte l’espace. Brouilleur de piste cet ancien barman entend bien distiller son cru à l’ivresse créative et brûler quelques arbres qu’il a plantés.

Texte Bernard David

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Résidences La Borne 2025/2026

Ju Hyun Lee et Nicole Crestou

> Ju Hyun Lee

Pourriez-vous vous présenter ?

Je suis une artiste sud-coréenne arrivée en France en 2007. J’ai fait mes études aux Beaux-arts de Grenoble (DNAP) et Lyon (DNESP 2014). Après mes études, j’ai voyagé avec les résidences d’artistes internationales, notamment à la Jan Van Eyck academie (2016) aux Pays-Bas où j’ai commencé à travailler sur les projets multidisciplinaires qui croisent l’alimentation, le design, l’architecture.
Après une période de vie rurale dans les Vosges, j’ai suivi la formation BPREA (diplôme agricole) qui a transformé mes pratiques. Actuellement, je travaille à Besançon où j’ai réalisé deux sculptures monumentales : un bateau aromatique composte (mamanlaplusbelle.fr) et une tortue géante en terre crue et cuite (https://juste-ici.fr/fr/bibiche-on-fire/). Ma pratique en céramique est relativement récente. Tout a été commencé par la réalisation de la croûte de carapace de la tortue, un chantier complexe qui a débuté en 2022 et s’est achevé en 2024.
En collaboration avec l’association “Juste ici”, j’ai mis en place le Festival des soupes Bol Bol Bol dont j’ai assuré la conception et la scénographie avec les légumes séchés et la suspension des pièces en porcelaine saturée du jus de légume. Récemment, j’ai réalisé une série de trente sculptures en terracotta pour les plantes d’intérieur. (Le vert en rose, Scène nationale Le Quartz, Brest)

Pourquoi souhaitiez-vous participer au dispositif des « Résidences La Borne » ?

Depuis quelques années, j’ai principalement travaillé sur la terre de basse température en lien avec la culture des plantes (croûte pour la gestion d’enherbement, pot-sculpture, oya), en expérimentant les autres terres et les émaux, mais peu. Je voudrais élargir mes connaissances pour appliquer davantage les techniques céramiques dans mon travail. J’adore la matière qui donne beaucoup de possibilités comme le développement de formes organiques, mais qui change de nature selon l’étape de production.

Le travail en équipe avec un(e) céramique de La Borne était un grand appel pour moi. Je pensais que cette approche me permettrait de sortir de mes méthodes pour découvrir plus de possibilités. Avec Nicole Crestou avec qui j’ai déjà commencé à travailler, je trouve beaucoup de connivence pour le travail et pour le mode de vie en général. On a commencé à faire de nombreux tests de moulage et de cuisson pour mon projet Parade-Terre. L’idée est de créer une œuvre commune qui se développera au fur et à mesure du temps passé ensemble dans son atelier. C’est une opportunité formidable dans ce lieu magique, rempli de l’histoire de la terre et de potiers d’excellence.

Quel est votre projet ? 

Parade-Terre est une série de casques en terre, avec une variation de neuf types de cornes d’animaux (bois de cerf, vache, mouton, taureau, buffle, chèvre, élan, antilope, impala..). Je voudrais créer une parade avec les personnes qui porteront ces casques à cornes qu’elles se déplacent ensemble comme pour la transhumance des animaux d’élevage. Comme il s’agit d’un « port performatif », se posent des questions techniques et sécuritaires pour la production des pièces : comment réduire le poids, comment régler le porte-à-faux en mouvement, comment fixer sur la tête. En même temps, pour que le projet crée un sens collectif visuellement fort, il faut un nombre important de participants qui expérimentent ce casque. Cela implique de trouver une technique de reproduction plus efficace que le façonnage à la pièce unique. Avec Nicole, nous avons déjà créé neuf paires de moules en plâtre, que nous allons utiliser lors de notre prochaine session de travail. Un des points de départ de ce projet vient d’une pratique ancestrale de la Corée du Sud. Les femmes transportaient sur la tête un pot en grès rempli d’eau ou d’aliments, à l’aide d’un support de paille de riz tressée. Aujourd’hui cela nous apparaît comme une prouesse, comment ces femmes arrivaient-elles à porter ces objets en terre relativement lourds ? Certes, c’est un projet qui entraîne des contraintes, des challenges et des risques et embrouille la frontière entre la sculpture et l’utilitaire.

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> Nicole Crestou (ACLB)

Dans son 5ème atelier, N. Crestou réalise essentiellement des sculptures modelées à partir de plaques ou d’éléments tournés et déformés. Les grès ou la porcelaine sont cuits dans des fours au bois, au gaz ou électrique. Les créations actuelles sont des sculptures figuratives, parfois mises en scène dans des installations, des sculptures animalières ou inspirées de la végétation. Certaines pièces sont recouvertes d’émaux colorés, la plupart sont destinées au jardin. Sans recherche de ressemblance, les animaux relèvent d’une expression libre proche de l’art singulier. N. Crestou a suivi plusieurs formations auprès de J. Stedman, Y. Mohy, Mme Lerat, H. Klug, L. Delisle à l’université Paris I…

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An Roovers et Mélanie Minguès

> An Roovers

– Pourriez-vous vous présenter ?

Mon oeuvre est fondée sur une expérience systématique de l’argile comme manière de prendre conscience de notre terre, comme matière. Elle s’inscrit dans une esthétique minimaliste en utilisant les lignes dans la sculpture, le dessin et la céramique. La ligne droite, pour moi, est la clé d’un langage visuel , un signe qui peut avoir une signification en relation avec un autre élément comme l’espace ou la matière. Je travaille avec un medium à la pointe du dessin et de la sculpture. L’essentiel de mon travail est l’idée que l’utilisation de l’argile dans son contexte de matière puisse être un vecteur fondamental dans la symbiose de rituel, d’esthétique et de contemplation intérieure. Il s’agit surtout d’argile sauvage, venant directement du fond de notre terre. Le but est d’utiliser les propriétés phénoménologiques de l’argile ainsi que son contexte et son espace. L’utilisation et la transformation de l’argile ainsi que sa disposition et sa présentation sont des dimensions essentielles. La position du spectateur est importante parce qu’il fait partie du paysage. La relation émotionnelle de l’endroit où l’on vit forme la base de ce que nous pensons à ce sujet. En Occident, nous avons perdu le contact avec la terre à cause du développement d’une société moderne, individuelle et citadine. La vision de l’humanité sur terre et son sentiment de solidarité est devenu la victime du capitalisme et par conséquent de la consommation et de l’individualisme. La force de mon oeuvre est que l’impact artistique est présent dans une expérience intime, non par l’objectivation mais par le matériel de l’oeuvre. Les thèmes de mon travail qui avancés sont formés par l’argile qui finalement, érode et retourne à la terre. Il s’agit d’un progrès continu et naturel de reconnaissance. Mon but est de faire revivre la mutuelle indépendance que les hommes ont avec la terre. Le travail de la céramique débute à l’endroit même où se trouve le four à bois. A cet endroit je cherche les dimensions d’un carré que je puisse exécuter dans l’argile. Celui-ci est placé minutieusement dans le four et verticalement de sorte qu’il puisse se transformer comme une feuille de papier… La cuisson de l’argile cuite de cette manière me fascine. Les restes laissés par le feu et la cendre sur l’écharde sont poétiques, mystérieux, et transparents: il est rare qu’un matériel puisse libérer de cette façon sa force. En surplus de la source de chaleur qui transforme l’argile en pierre, l’évènement autour du four inspire: tout le monde travaille dans le même but. La force du feu a quelque chose de méditatif. L’anthropologie de cet évènement m’a beaucoup apporté comme humain et comme artiste. Le processus de cuisson peut durer jusqu’à 80 heures et est un vrai défi. Il donne de nouvelles possibilités physiques et psychiques. La recherche de possibilités m’a déjà permis d’aller en Estonie, au Danemark, en France et en Angleterre, ce qui a permis d’élargir mes connaissances et mon univers. Les oeuvres qui sont nées dans ces fours locaux me restent comme souvenirs des moments et des endroits. Elles sont uniques parce qu’elles sont fabriquées à partir des matières premières locales et qu’elles portent en elles l’énergie locale. Ma dernière oeuvre était en Finlande au centre international de verre et de céramique KUU.

– Pourquoi souhaitiez-vous participer au dispositif des « Résidences La Borne » ?

Le contexte a donc une grande importance sur le résultat de mon travail aussi bien en ce qui concerne le site du travail que la céramique d’un point de vue technique, culturel et économique. Le lien avec le paysage, le matériel et les personnes est central et cette évolution permet à l’oeuvre de se retrouver dans la nature. L’aspect transitoire et circulaire de mon travail a une importance fondamentale de notre époque de grande consommation. Cela me motive à analyser les règles et les limites à l’intérieur du monde artistique. Ma première rencontre avec La Borne était la conférence sur les fours à bois en 2018. Depuis, je reviens fréquemment à cet endroit. Il est intéressant de voir comment la vie se joue ici au rythme de l’argile et l’oeuvre se réveiller. J’ai rendu visite quelquefois aux Grands Feux. La Borne continue à m’intriguer. J’accorde une très grande importance à la réalisation de relations authentiques je prends mon temps pour faire cela. Quelque chose en moi désire encore mieux comprendre cet endroit unique, son histoire, ses artistes, sa géologie. J’apprends toujours plus sur cet endroit comme par exemple les différents signes du paysage des carrières d’argile ou l’histoire de la céramique. Pendant mon séjour je veux mettre l’accent sur l’argile, son origine, sa circularité, son pouvoir de transformation et en premier lieu son contexte: La Borne.

– Quel est votre projet ?

Pendant mon séjour à La Borne je veux rechercher comment le processus de la fabrication de la céramique se prête à la créativité de la céramique, à sa performance et à sa spécificité. Je désire faire une approche ‘rituelle’ au sein de notre monde chaotique et moderne. Les rites nous donnent un sentiment profond de signification par lesquels nous pouvons nous ancrer dans un monde relativement accablant. La relance des rites contemporains et des cérémonies nous donne une nouvelle évaluation pour la force esthétique et spirituelle de l’argile et de la céramique. Elle nous redonne un sentiment de solidarité avec les traditions ancestrales et rappelle notre besoin humain de solidarité avec la communauté. Les concepts clés de ma résidence et de ma collaboration avec un artiste local sont :
– Géologie, Paysage et son histoire
– Transformer l’argile en pierre (au propre comme au figuré)
– Four à bois
– Matières premières locales
– Processus vs rituel
– La ligne droite versus la forme organique Carré contre cercle
– Performance, mouvement
– Texte, narratif et/ou poétique

> Mélanie Minguès (ACLB)

Mélanie Minguès élabore des formes sculpturales. Ces pièces sauvages à l’énergie farouche émeuvent par leur vérité naturelle sans compromis. Une géologie de ride, de faille de craquelure habille le panorama de cette œuvre céramique où fragilité, force, vide, silence, aléatoire se télescopent.
Mélanie nous emmène sur une terre qui bruit à la débandade de la matière. Ici l’argile signe la traçabilité de ses émotions, fige l’écho des questions sans réponse.
De la barbotine à la consistance plastique cette céramiste explore le potentiel de l’argile. Elle triture, étire jusqu’à la déchirure cette membrane colloïdale dans sa quête de l’anima, du souffle de la vie.
Au vertige des fêlures ces sculptures entretiennent le dialogue du silence et de l’ombre. “Heureux les fêlés, ils laissent entrer la lumière.”

Bernard David

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