Résidences La Borne 2023
Éléonore False et Anne-Marie Kelecom
> Éléonore False
Pourriez-vous vous présenter ?
Je suis diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et de l’école Olivier-de-Serres en design textile. Ma pratique donne lieu à des gestes qui sont en étroite relation avec les représentations que je me fais. Dans mes oeuvres, puis avec mon propre corps dans l’espace de l’atelier : j’effectue des recherches sur les échelles des pièces et leur perception. Ce que je qualifie « d’atelier » prend plusieurs formes : de la trouvaille des documents, des découpes sur une table, au scan d’une image sur ordinateur jusqu’aux artisans d’arts avec lesquels je collabore, il y a un déplacement entre intérieur et extérieur qui ne se pose qu’une fois la pièce terminée et exposée. Celle-ci contient pour moi ces mouvements et cela forme les conditions de son existence. Il y a un « jeu dans ma tête », une forme d’apprentissage archaïque auquel je me prête. C’est un jeu de mimétisme, j’apprends du monde en le mimant et les images participent évidemment activement au monde. Je ne suis pas céramiste mais j’en connais la pratique, à laquelle j’ai été initiée. Etudiante à l’école des Beaux-Arts de Paris, j’ai fréquenté l’atelier de céramique et je fais depuis régulièrement de la céramique, notamment du Raku.
Depuis 2017 je suis également professeure à l’ISDAT, l’Institut Supérieur de design et d’arts de Toulouse.
Pourquoi souhaitiez-vous participer au dispositif des « Résidences La Borne » ?
Je suis très intéressée par la « Résidence La Borne » que je regarde depuis un moment car ma pratique, liée à l’espace et aux formes, cherche particulièrement ce type de collaborations pour faire exister des oeuvres et faire parler les images et objets d’archives qui sont le point de départ de mon travail. Le projet spécifique de La Borne, en mettant l’accent sur le partage et l’émulation entre un.e céramiste et un.e artiste plasticien.ne, correspond tout à fait à ma manière d’envisager une production artistique dans un enrichissement mutuel. Ce lieu, si important de la céramique contemporaine, est une véritablement occasion d’approfondir mes connaissances et mon intérêt pour ce médium que j’intègre déjà dans certaines de mes installations.
Ainsi je souhaitais m’orienter vers la recherche de points de connivences avec une céramiste dans les enjeux plastiques, formels et conceptuels de nos travaux respectifs.
En ayant regardé attentivement les oeuvres et ayant discuté avec Anne Marie Kelecom j’ai trouvé que quelque chose raisonnait justement avec mon rapport au savoir et aux passages entre minéral et végétal. Le fait qu’elle pratique le Raku est aussi très important car je le pratique aussi depuis plusieurs années. Je suis par ailleurs très sensible à l’idée d’expérimenter la cuisson dans un four Anagama.
Quel est votre projet pour 2023 ?
J’aimerais travailler sur un amalgame de formes, de textures et de couleurs, qui pourrait également se rapprocher de l’idée que se faisait Ettore Sottsass du design : un mélange de possibilités ainsi qu’une logique variable et instable des morceaux qui le composent. Dans ce sens, j’ai pensé à une installation qui représenterait un assemblage de « perles » géantes, en construction, en cours de montage avec son fil. Une métaphore d’un assemblage pour un travail à quatre mains; une pensée en train de s’élaborer. Je souhaite appliquer la démarche du collage, du « montage » à la pratique de la céramique, dans ses techniques. Cette piste permet celui du travail de la terre, et de la grande maitrise des cuissons propre à La Borne. Rendre visible les cuissons provoque une temporalité et un rapport au corps humain très fort.
> Anne-Marie Kelecom
Pendant ses études d’arts plastiques, Anne-Marie s’aperçoit rapidement de l’importance de la terre. Cette matière devient son médium exprimant ses émotions. Du Congo, au plateau ardéchois, à la Saône et Loire, elle se nourrit d’expériences multiples avant de se poser à La Borne en 2017. Une quête tout azimut, de matière, de forme, de contraste reflète son appétit et sa joie de vivre. Ses œuvres peuvent évoquer une plante, un caillou, une empreinte. Anne-Marie vous emmène entre végétal et minéral. Certains voient des sabots de moutons, des vulves, des coco-fesses et même des éléphants roses. La cuisson au bois initie de nouvelles directions. Elle nous stupéfie aux lithops et aux stromatolithes.
Texte : Bernard David
www.laborne.org/fr/anne-marie-kelecom/
Javier Bravo de Rueda et Charlotte Poulsen
> Javier Bravo de Rueda
Pourriez-vous vous présenter ?
Je suis un artiste péruvien résidant au Pays basque espagnol. Mon travail s’est développé principalement à travers des projets de recherche qui se sont exprimés dans les domaines de la céramique, du dessin, de l’installation, de la sculpture et de la photographie. J’aime travailler dans des contextes où je suis accueilli, mais toujours en regardant en arrière, notamment sur mon passé et ma relation avec le Pérou. Malgré tout, ma pratique évolue chaque jour davantage vers le parfait et les actions dans l’espace public. J’oriente mon travail vers l’analyse archéologique, les architectures en ruine, le folklore, la construction de soi et l’identité.
Pourquoi souhaitiez-vous participer au dispositif des « Résidences La Borne » ?
Cela me permet de développer un projet céramique et de pouvoir apprendre des céramistes bornois, de comprendre leurs approche de lla céramique contemporaine. De plus, je m’intéresse à enquêter sur les modes de vie et de travail des potiers et leurs espaces.
Quel est votre projet pour 2023 ?
Je prévois de développer un projet qui consiste d’une part à apprendre à cuisiner avec du bois de chauffage, mais aussi à collaborer avec d’autres potiers. J’envisage de développer des formes prenant comme référence les idées de boîtes, de cages et de contenants et de voir comment elles mutent vers un récit de l’expérience vécue dans la résidence. Ce que je veux, c’est pouvoir raconter des histoires et explorer le terrain. Marcher, agir et tout enregistrer.
> Charlotte Poulsen
Née au Danemark, Charlotte Poulsen a fait l’école des beaux-arts d’Aarhus. Les céramistes danois Birgit et Rocca Knupfer l’emmènent à La Borne. Dans les années 1970 elle fait son apprentissage. Envoutée par les cuissons au bois et l’ambiance présente, elle s’installe définitivement en 1980. Son utilitaire résulte d’une réflexion sur la fonction des objets dans la lignée du design danois. La décennie suivante, les contenants prennent du ventre, des cous s’élancent. L’animalier prend position. Les oiseaux présents dans son environnement lui inspirent des envols. Les bases de ses pièces se divisent en tentacules. Pieuvre aux multiples cerveaux symbolise une création abondante. Charlotte n’a de cesse de nous étonner.
Bernard David